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Le LMD et autres prétendues réformes ou « la victoire de Pyrrhus »

Premier épisode

dimanche 7 décembre 2003, par Marc - Université Paris 13

Article de Claude Carpentier (Amiens)

A quel prix devrons-nous payer cette victoire annoncée du LMD et de toute la quincaillerie qui l’accompagne ?

Pour situer mon propos sans ambiguïté, je commencerai par ce qui ressemble à un fait divers tellement significatif. Inutile, car tout le monde le sait maintenant, de rappeler le chantage qui est au cœur de cette affaire de LMD ( qui est devenu un mode de « gouvernance hyper-centralisée exercée par nos grands décentralisateurs), depuis le ministère exerçant sa pression sur les présidents d’universités jusqu’à ces derniers enjoignant aux doyens de mettre en application la « feuille de route » (pour reprendre une expression qui fait fureur). D’une manière très « démocratique », comme on le voit, l’équipage, sans le moindre enthousiasme, s’est mis en marche pour aboutir au résultat qui nous a été présenté grâce à powerpoint jeudi dernier dans l’amphi 600 par notre doyen. Les critiques formulées par les étudiants ont fusé et le temps a manqué mais on continue mardi prochain à 14h. Alors, venez nombreux car le déplacement en vaudra la peine.

Alors, ce fait divers ? Ceux d’entre vous qui siègent au conseil de gestion pourront vous confirmer mes propos. A la veille, comme d’habitude, d’un conseil d’université capital pour l’adoption des fameuses maquettes (sur lesquelles un certain nombre d’entre nous se sont épuisés en marche forcée), notre doyen a abordé en conseil de gestion (dont je suis membre élu) le chapitre relatif au suivi/encadrement des étudiants avec la proposition que chacun(e) d’entre nous se verrait confier 40 étudiants afin d’assurer leur suivi et leur réussite (les sociologues de l’éducation appellent cela le passage de la démocratisation de la fréquentation à la démocratisation de la réussite). Bref, nous voilà devant de lourdes responsabilités. Un tollé général dans le conseil de gestion pour refuser ce piège à c…Avec quel moyens, comment ? Fuite en avant, devant l’urgence et afin d’éviter de s’enliser dans le conflit (la réponse était pour le lendemain matin et il était 19h), on a préféré un texte consensuel vidé de toute substance, celui que tout le monde a découvert sur l’écran mardi et qui dit en substance que nous prendrons soin des étudiants ou une banalité de ce genre qui n’est pas passée inaperçue.

De qui se moque-t-on ? Il faudra bien un jour qu’on nous dise comment il faudra encadrer les étudiants et combien de dizaines de postes il faudrait créer pour cela (ce qui est fort peu probable à moins de croire encore au père noël) ou nous annoncer que nous serons assignés à résidence pour assurer en continu le service de « nursing » de nos étudiants en quête de guide.

Pourquoi pratiquer la politique de l’autruche alors que nous savons très bien que les choses qui fâchent viendront en leur temps et que l’addition sera salée ? N’attendons pas la généralisation du cancer. Nous ne devons plus attendre pour interpeller les responsables et les contraindre à nous donner des réponses, notamment concernant les moyens (ou l’absence de moyens) qui seront mis en œuvre. La démocratie n’est pas autre chose que cela.

Le LMD est une religion qui, comme toute religion, repose sur des dogmes qui nous sont assénés par des irresponsables qui s’enivrent d’une rhétorique creuse et moderniste (dont je donnerai des illustrations dans les prochains épisodes).

Il faut organiser dès aujourd’hui un large débat sur cette question. Il n’est pas normal que les intellectuels que nous prétendons être se taisent. Ceux qui sont favorables à ce projet doivent le dire sans honte et nous leur montrerons qu’ils se trompent, dans une « disputatio » digne de notre tradition universitaire ancienne.

Les organisations syndicales favorables à la réforme ne peuvent pas se contenter d’une pétition de principe ; elles sont sommées de s’expliquer pour ne pas apparaître comme des sectes asservies à un dogme. Celles qui sont contre doivent imposer ce véritable débat (dont elle ne doivent pas avoir peur car l’exemple donné ci-dessus n’est bien sûr pas isolé). Pour cela, elles doivent refuser le piège tant à la mode de la décentralisation.. . y compris celle des luttes car cela revient à botter en touche.

Ce travail « socratique » doit être fait dès demain au niveau de notre université. Nous avons tous les éléments pour démontrer l’absurdité et le caractère dangereux de toute la quincaillerie qui nous est proposée.

Je termine en saluant sans ironie le travail de tous les « malgré-eux » qui ont élaboré ces projets, enrôlés qu’ils étaient dans une guerre qui n’était pas la leur. Il méritent le respect et ne sont nullement des traîtres.

Suite au prochain numéro

Claude Carpentier